Jamais dieux sans Troie

Jamais dieux sans Troie

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » disait Homère.   Et quelle belle aventure nous avons vécue !

Un beau jour de novembre, les Latinistes et leurs professeurs eurent une discussion animée.  Au cœur du débat : promouvoir les langues anciennes au Collège.  Vaste projet !  Alors que les professeurs et la Direction nous suggéraient d’animer des enfants de 5èmeet 6ème primaires et des élèves du 1er degré, un autre projet occupait notre esprit…  Pourquoi ne pas organiser un spectacle théâtral, comme nous l’avions fait deux ans auparavant ?  Tout de suite, notre enthousiasme et notre motivation furent transmis à la direction, qui accepta généreusement de nous soutenir.

Seule une question persistait : quel célèbre mythe mettre en scène ?  Tout de suite, Ulysse et sa célèbre Odyssée nous vinrent à l’esprit… C’est donc avec l’accord de nos professeurs que nous commençâmes la rédaction.  Après avoir sélectionné les principaux extraits du long voyage de notre héros, nous consacrâmes tous nos temps de midi à la rédaction du schéma actanciel et des dialogues.  Les idées fusaient à travers le P13, notre cher local de langues anciennes, et seules les meilleures furent reprises.  Fous rires, débats, mimes et réflexions de logistique étaient de la partie…  Jusqu’au mois de février où notre « petit bébé » était là, sur la table, et n’attendait qu’une chose : être joué !

La distribution des rôles s’était faite sans difficulté et chacun put ainsi donner vie aux grandes figures de ce voyage : Maxime interpréterait Ulysse, Isaline serait la célèbre sorcière Circé, Aurélie endosserait le rôle de la Muse, Victoire se glisserait dans la peau de Pénélope, épouse du héros, et Nathan prendrait les traits d’Apollon et de Tirésias…  Nous étions une quinzaine, tous endossant plusieurs rôles et tous avec la même envie de faire éclater notre projet au grand jour.  Nous ne voulions pas nous limiter à une seule forme d’art…  Nous voulions rendre ce mythe accessible à tous et, surtout, vivant.  C’est pourquoi Clément, le génial informaticien de la bande, nous proposa de réaliser quelques vidéos tournées et montées par ses soins.  Chacun put ainsi dévoiler ses talents :  Madame Houtain était la chorégraphe, Maxime nous fit l’honneur d’une cascade digne des plus grands films de cape et d’épée, Nicolas et Tanguy se révélèrent être d’excellents tireurs à l’arc et Nathan un très bel imitateur de l’accent québécois.  Pour orchestrer toute cette joyeuse troupe lors des répétitions, nous avons pu compter sur les immenses qualités en logistique de Clément, sur l’œil critique de nos professeurs et sur le caractère de diva de Victoire, qui lui a valu le très beau surnom de « Dramaturge ».  Nous sommes passés par tous les états d’âme possibles et inimaginables : la joie, l’angoisse, les cris, les larmes et l’énervement, mais jamais cela n’a entamé notre motivation.

Jeudi 23 mars, 8h.  Nous sommes tous dans les coulisses de la salle des fêtes, dans un état de stress et de nervosité incroyable.  La première aura lieu à 9h20…  Nous sommes à la fois excités de dévoiler l’aboutissement de tous ces mois de travail et morts d’inquiétude.  Tout le monde est en costume, prêt à se jeter dans l’arène.  Déjà, le murmure sourd de nos jeunes spectateurs se fait entendre et bientôt, la salle est plongée dans le noir, les coulisses dans le silence et la petite vidéo explicative de la guerre de Troie – qui fut tournée dans la classe de Mme Van Vlaenderen - projetée sur l’écran.  Au programme : cinquante minutes de spectacle mêlant danse, chant, théâtre et déclamation.  Nos références fusent de partout, tout comme les rires.  Et cette première fut une réussite !  La seconde représentation avait lieu en début d’après-midi.  La fatigue s’était quelque peu emparée de nous et cela s’en ressentit sur notre jeu.  Bien qu’elle fût moins bonne, cette deuxième nous rendait encore plus fiers de nous.

Enfin, l’ultime consécration vint le vendredi 24 mars à 18h.  Etaient conviés non plus les élèves mais nos parents, amis et professeurs.  Le trac était horrible, tout le monde tremblait, se concentrait et tentait tant bien que mal de décompresser.  Nous tournions tous comme des lions en cage.  Soudain : rideau.  Générique.  Vidéo.  Et surtout : les prémices du rire.  Et c’était reparti.  Distribution de frangipanes dans le public, course poursuite au rythme effréné de la danse de Rabbi Jacob, chorale des Sirènes, âmes de morts chancelantes et retrouvailles épiques d’Ulysse et Pénélope au son de la musique qui restera sûrement la bande originale de notre spectacle : Düm Tek Tek.

Cette dernière fut un triomphe.  Elle marquait la fin de notre investissement acharné et les applaudissements furent la récompense de notre dur labeur.  Nous avions préparé une petite surprise pour nos professeurs, toujours présentes pour nous soutenir, et c’est sur cette séquence émotion que le rideau se ferma définitivement sur nos cinq mois de travail.

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » disait Homère   Et quelle belle aventure nous avons vécue !  Elle restera toujours le souvenir de notre rhéto.  Nous avons travaillé avec le même état d’esprit et le même but : celui de démontrer que les « langues mortes » sont encore bien vivantes.  Peut-être les générations futures revisiteront-elles aussi un de ces grands mythes ?

En attendant, silence dans les coulisses et rideau !

 

Victoire Lorand

Elève de 6ème Latin-Grec

 

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